(BiotechFinances n° 976 du lundi 21 février 2022) Le 11 février dernier, l’Agence France-Presse (AFP) communiquait « Lourdes amendes contre la biotech AB Sciences et son patron ». Surprise ! Etions-nous face au premier véritable scandale financier d’envergure, d’une industrie biotechnologique française ? Allons-nous à l’instar de la biotech US vivre quelques scandales bien racoleurs comme l’affaire Waskal-ImClone-Stewart, ou encore Martin Shkreli ?
Pour l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) : aucun doute, puisqu’elle a requis des amendes d’un montant total de 6 M€ à l’encontre de la société AB Science, de son président fondateur et d’un conseiller financier. L’Autorité reprocherait à la société un défaut d’information aux investisseurs, entre le rendu de l’avis négatif du CHMP en avril 2017 et la communication de l’information en mai 2017. Tout cela à cause d’une réunion qui s’est tenue le 7 mars 2017 entre AB Science et l’Agence Européenne du Médicament (EMA). Selon l’AMF, à l’issue de cette rencontre, l’opinion de l’EMA aurait été faite et donc la société aurait dû (grâce à un don de double vue) comprendre que l’affaire était « pliée » et en avisait ses investisseurs. Heureusement ou malheureusement selon l’endroit où l’on se place, AB Science a levé des fonds durant cette période grâce à deux tours de financement respectivement 15, puis 19 M€ auprès d’investisseurs normalement accoutumés au risque (avisés dans le langage de l’AMF).
Mais dans le même temps, par souci de bienvenue, certains investisseurs en profitaient pour faire de la place aux nouveaux venus, en empochant une partie du loyer. C’est pourquoi l’AMF réclame 3 millions au PDG d’AB Science et 2 millions à un conseiller financier. Voilà un geste d’hospitalité bien cher payé. Trêves de plaisanteries. Certes, l’affaire a les couleurs, l’odeur et le gout d’un délit d’initié, mais soulève tout de même des questions. Tout d’abord, le 7 mars 2017, l’EMA est-elle allée trop loin dans ses explications ou a-t-elle donné des clés pour comprendre sa décision future ? Serait-elle sortie de son rôle d’arbitre ? Sinon, l’entreprise en communiquant un peu tardivement à l’heure des réseaux sociaux et fuites en tout genre a certainement manqué à son devoir. Mais, le risque d’un avis négatif d’une instance réglementaire est à notre opinion, une composante intrinsèque du développement de médicaments fussent-ils des biologiques ou de petites molécules et donc les investisseurs qui s’intéressent au secteur se doivent de l’intégrer.
Ainsi donc si la société a le sentiment que la réponse pourrait être négative doit-elle dans un élan de … (que je laisse au lecteur le soin de qualifier) refuser les fonds au prétexte que cela a des chances, non négligeables, de mal se passer. Il nous semble tout de même un peu difficile de mettre dans le même panier un délit d’initié apparemment avéré et l’appréciation du risque d’investissement. En effet, la venue d’investisseurs sur certains dossiers de biotechnologie est souvent lié aux espoirs de gains consubstantiels au niveau de risque. Disqualifier cette opportunité pourrait s’avérer dangereux pour notre secteur.
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