(BIOTECHFINANCES N°946 Lundi 7 juin 2021) La biotech dont la molécule phare, masitinib est testée dans 8 indications (1) a suspendu en début de semaine ses programmes cliniques après avoir identifié un potentiel risque de cardiopathie ischémique. Entretien exclusif, avec Alain Moussy, président fondateur d’AB Science.
BiotechFinances – Vous avez interrompu les essais cliniques du masitinib, que s’est-il passé ?
Alain Moussy : Notre département médical et safety a réalisé des analyses à la suite des phases 3 pour lesquelles nous avons récemment procédé à la levée d’aveugle. Or dans une analyse exploratoire bien spécifique, qui regroupe uniquement certaines sous populations de patients dans certaines indications, nous avons constaté un déséquilibre entre le masitinib et le contrôle sur des évènements ischémiques cardiaques. Nous avons par conséquent approfondi nos recherches en effectuant une méta analyse et là nous n’avons pas retrouvé le signal. Ensuite nous avons partagé l’information avec l’ANSM et les autres agences règlementaires. En retour, celle-ci nous a demandé davantage d’explorations.
BF – Vous parlez de signal, quelle différence avec un risque potentiel ?
Alain Moussy : Un signal c’est une série d’analyses qui montrent une anomalie. Et quand on approfondit avec plus de données, ou en décortiquant chaque cas, on est en mesure de se faire une opinion sur l’existence ou non d’un risque potentiel. S’il est avéré, nous adaptons le plan de gestion des risques et nous réévaluons la balance bénéfice/risque pour chaque indication. C’est un exercice classique et par lequel nous devons passer. Et pendant cette période il n’est pas question de faire courir le moindre risque aux patients, nous les protégeons en faisant une pause dans le recrutement.
BF – Que deviennent les patients ?
Alain Moussy : C’est tout à fait normal dans un développement clinique quand vous faites face à une question de sécurité d’arrêter le recrutement des patients. Toutefois, à ce stade, et en accord avec l’ANSM, nous poursuivons les essais avec ceux qui ont déjà reçu le traitement. Nous prendrons éventuellement des mesures de protection supplémentaire quitte à stopper certaines études. Nous n’en sommes pas là mais devons évaluer l’ensemble des possibilités.
BF – L’ANSM a été la première à réagir, quid de la FDA et des autres agences ?
Alain Moussy : Nous devrions recevoir leur courrier bientôt. Nous sommes une entreprise française, il est normal que l’ANSM qui nous suit et connaît bien notre dossier ait été la première. Nous sommes dans un échange permanent.
BF – Quelles sont les prochaines étapes ?
Alain Moussy : Nous allons discuter avec les autres agences et leurs demandes seront sans doute similaires. Mais une chose est sure nous prendrons le temps nécessaire pour analyser le risque. Nous sommes rentrés dans une phase de concertations. Les balances bénéfice/risque seront réévaluées étude par étude. Ce n’est pas à moi de me prononcer mais aux agences une fois que nous leur auront fourni tous les éléments nécessaires.
BF – Les essais reprendront-ils plus vite dans certaines indications ?
Alain Moussy : Les études repartiront quand nous aurons terminé les analyses et que les balances bénéfice/risque auront été réévaluées par les agences. Avec l’ANSM, l’analyse se déroulera étude par étude donc nous nous attendons plutôt à une reprise par indication.
BF – En Bourse l’action a chuté de 25% avant d’être suspendue, y-a-t-il eu des fuites ?
Alain Moussy : Ce n’est pas à moi de faire des suppositions. Le cours a perdu 25% pour quelle raison je n’en sais rien.
BF – Dans ce trou d’air quel est votre message aux actionnaires ?
Alain Moussy : Patience ! Car cela prend du temps de faire ces investigations. La protection des patients avant tout. Et confiance dans l’ensemble des données accumulées jusque-là par ce programme clinique. Ce sont les aléas d’un développement clinique, et dans ce cas il faut savoir s’arrêter pour mieux continuer.
(1) Lire Biotech Finances n°925 « AB SCIENCE, L’INNOVATION À TOUT PRIX ».







