La biotech (ex-Diaccurate) a découvert un composé “exceptionnel” pour traiter le cancer du sein avancé, en particulier ceux avec des mutations de l’ESR1. Le rupitasertib va passer en essai clinique de phase II en fin d’année. Objectif : une mise sur le marché américain en 2028/2029.
Il y a trois ans, Dominique Bridon, un serial développeur de traitements en pré-clinique et en clinique oeuvrant en Amérique du Nord depuis 35 ans, est contacté par Truffle Capital, dans le but de dénicher “un produit vraiment unique en oncologie et déjà au stade clinique”. Il rentre alors aussitôt à Paris et prend la tête de la biotech française Diaccurate.
“Nous sommes tombés sur une véritable pépite : un inhibiteur oral sélectif de S6K et AKT1/AKT3, découvert par l’Allemand Merck KGaA, qui avait fait l’objet d’un essai de phase I sur 101 femmes atteintes de divers cancers. Dans cette cohorte, nous avons fait une analyse génomique sur les 20 femmes qui souffraient du cancer du sein, dont 9 montraient une résistance aux traitements endocriniens, poursuit-il. C’est là que nous avons découvert le potentiel extraordinaire du composé pour bloquer la protéine S6K tout en contrôlant la boucle de rétroaction compensatoire de l’AKT”, relate Dominique Bridon. De quoi donner de l’espoir aux femmes souffrant du cancer du sein métastatique de type Her2neg, HRpos, ESR1 mut, qui concerne 40% des femmes atteintes du cancer du sein. Soit 40 000 patientes par an aux Etats-Unis et en Europe.
Nouveau projet, nouvelle équipe, et nouveau nom : Evexta Bio
Sans hésiter, Dominique Bridon fait une offre pour acheter la molécule, appelée rupitasertib. “Comme nous sommes une toute petite structure, nous avons fait la plus petite offre financière, mais Merck KGaA nous a retenus, séduit par le bien fondé de notre approche scientifique”, se félicite-t-il. A tel point que la biotech a signé une licence exclusive avec Merck, qui est entré au capital de la société à hauteur de 9%.
Très vite, des tests sont effectués sur les souris. Ils ont révélé que le rupitasertib bloquait de façon singulière une enzyme « clé » impliquée dans les mécanismes de résistance aux traitements anti-estrogènes prescrits chez les patients souffrant d’un cancer du sein. Ces tests ont également démontré une activité synergique dans la réduction de la croissance tumorale lorsque rupitasertib était associé avec d’autres traitements. Notamment l’elacestrant, un médicament commercialisé par la société italienne Menarini, et qui a été approuvé par la FDA en janvier 2023. Concrètement, le PFS (Progression-free survival) d’elacestrant pour des femmes n’ayant reçu qu’un seul traitement endocrinien atteint 3,9 mois, tandis que le rupitasertib affiche un PFS de 5,6 mois pour des femmes qui avaient reçu en moyenne 6 traitements lors de l’essai de phase I conduit par Merck KGaA. “En combinant les deux composés, le PFS devrait atteindre au moins 8 mois”, assure Dominique Bridon.
Lancement de la phase II fin 2024
En novembre 2023, Diaccurate finalise son pivot et change complètement d’équipe. La biotech recrute Scott Filosi – un Américain chevronné, alors CCO de Merck KGaA et passé par Boehringer Ingelheim et Johnson et Johnson – en tant que CEO. Dominique Bridon devient CSO. Un nouveau directeur des essais cliniques est nommé : Paul Gineste, ex-VP des opérations cliniques chez Abivax. La biotech ouvre une antenne à Boston et change de nom : Diaccurate devient Evexta Bio. Objectif : “aller vite en phase II pour une mise sur le marché américain en 2028/2029”.
“Notre protocole clinique a été validé par la FDA, le ‘guide mondial’ en matière de nouvelles molécules en oncologie”, assure Dominique Bridon. Désormais, Evexta Bio doit lever des fonds. La biotech recherche entre 30 et 35 M€ au total, avec un premier milestone représentant la moitié de la somme, pour exécuter son étude de phase II qu’elle démarrera fin 2024 par un processus d’escalade de doses jusqu’au T3 2025, et qui comprendra environ 80 patientes atteintes de cancer du sein métastatique de type Her2neg, HRpos, ESR1 mut. “Nous prévoyons de finaliser la phase II à la fin 2026 et de lancer la phase III au T2 2027, sur 300 patientes”, pronostique Laurence Riot-Lamotte, CFO d’Evexta Bio depuis février 2022.
Un potentiel “exceptionnel” sur tous les cancers hormonaux
“Nous ciblons des investisseurs tant américains qu’européens, des fonds spécialisés en oncologie, qui sauront reconnaître le vrai critère de différenciation de notre molécule, mais aussi des fonds plus généralistes, qui diversifient leurs portefeuilles, et qui peuvent mettre un ticket important dans la durée”, précise l’ex-CFO d’IntegraGen, société cotée dans les services génomiques pour laquelle elle a supervisé plusieurs levées de fonds et l’IPO sur Euronext Growth.
Les équipes d’Evexta Bio sont très confiantes, de même que son actionnaire historique Truffle qui continue de le soutenir : “Nous avons acquis un asset qui dose le S6K de manière très puissante, très précise et très sécure, qui n’a aucun équivalent dans le monde. Le rupitasertib présente très peu d’effets secondaires gastro-intestinaux, mais pas d’urticaire virulent, pas de mycoses et peu ou pas d’hyperglycémie”, affirme Dominique Bridon, qui a présenté le composé au 10e Congrès mondial LSX, à Londres, fin avril. “A l’avenir, le rupitasertib pourrait cibler le cancer du sein triple négatif, pour lequel notre composé montre un effet exceptionnel. Il pourrait en outre entrer en première ligne comme inhibiteur de CDK4/6. Dans ce cadre, le besoin médical est massif, il faudrait s’associer à un grand laboratoire pharmaceutique pour le développer”. Et Laurence Riot-Lamotte d’ajouter : “Le rupitasertib pourra viser tous les cancers hormonaux dépendants : utérus, prostate, etc.”. Evexta Bio est encore petit, mais voit déjà grand.
Marine Rabreau
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