Après des essais précliniques concluants, la spin-off du CEA envisage de démarrer son premier essai clinique à la fin de l’année. Son traitement : une pro-créatine, administrée par voie nasale, pour traiter le déficit en transporteur de la créatine, la maladie de Charcot et Parkinson.
L’histoire de Ceres-Brain Therapeutics a commencé par une question posée par un médecin clinicien de l’hôpital Necker : comment faire rentrer de la créatine dans les neurones ? Une question qui paraît simple… mais qui ne l’est pas du tout. Actuellement, aucun traitement n’existe pour soigner le syndrome de Déficit congénital en Transporteur de la Créatine (DTC), cette maladie rare liée à une mutation génétique sur le chromosome X qui empêche la créatine, un acide aminé produit par le corps et présent dans divers aliments, de parvenir jusqu’aux neurones. Les enjeux sont importants puisque le DTC toucherait 16 000 enfants en Europe et Amérique du Nord, qui présentent un syndrome autistique avec un gros retard de développement intellectuel (avec un QI oscillant entre 40 et 60), un retard de langage et des crises d’épilepsie chez la moitié d’entre eux.
Une molécule administrée par voie nasale
Au CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives), ce sont Aloïse Mabondzo, directeur de recherches expert en neuropharmacologie, Sophie Dezard-De Suzzoni, chimiste organicienne, et Henri Bénech, expert en pharmacocinétique et cofondateur de Skymab Biotherapeutics, “qui ont cherché et trouvé une molécule, une formulation et un mode de délivrance qui permet d’apporter spécifiquement de la créatine dans le cerveau”, raconte Thomas Joudinaud, qui a co-fondé avec eux Ceres-Brain Therapeutics en 2019. Baptisée CBT101, la molécule a d’abord fait l’objet de nombreuses études de preuve de distribution cérébrale sur différents modèles de rongeurs et de primates. “Par ailleurs, nous avons confirmé l’efficacité de CBT101 dans deux modèles de souris génétiquement modifiées pour le déficit en transporteur de la créatine, et dans deux autres modèles de neuropathies centrales d’origine toxique”, se félicite Henri Bénech.
Puis un gros travail de stabilisation a été mené. “En passant par le sang ou par le système digestif, la molécule se dégrade. Mais en passant par le nez, nous avons constaté qu’elle rentre directement dans les neurones olfactifs et trijumeaux, dont les extrémités sont présentes dans le mucus nasal, avant de migrer vers leurs origines dans le cerveau, en s’affranchissant des contraintes liées à la barrière hémato-encéphalique. Ensuite, le CBT101 diffuse de neurone à neurone, à l’ensemble du cerveau”, explique Thomas Joudineaud, le CEO de la biotech basée à l’Institut du Cerveau de Paris (ICM).
La demande de phase clinique en cours
CBT101, qui a obtenu le statut de médicament orphelin pour le Déficit en Transporteur de la Créatine par la FDA et l’EMA dès 2021, “emmène effectivement la créatine dans les neurones, ce qui augmente significativement la plasticité et le métabolisme cérébral, la cognition et les fonctions neuromotrices dans les modèles animaux”. La biotech est désormais prête pour lancer des essais cliniques. “Nous sommes en train de finaliser notre demande d’autorisation auprès des autorités réglementaires”, confie le CEO passé par le prestigieux BCG (Boston Consulting Group) et par ailleurs Partner chez AEC Partners. “La réponse devrait intervenir à la fin de l’été”, pronostique celui qui est également membre du conseil d’administration d’Osivax, une biotech de vaccins au stade clinique.
Ceres-Brain Therapeutics prévoit ainsi une Phase I en 2025 chez des volontaires sains pour confirmer l’innocuité de CBT101 chez l’homme, et aider à déterminer la dose à utiliser chez les patients. “Puis nous lancerons des études cliniques de Phase II pour le traitement du DTC et la Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA), qui touche plus de 40.000 personnes en Europe et Amérique du Nord”, détaille Thomas Joudinaud. Pour cette dernière indication, appelée également la maladie de Charcot, Ceres-Brain Therapeutics travaille avec le Pr Pierre-François Pradat, grand spécialiste de la maladie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
La biotech envisage de boucler ces étapes cliniques et obtenir une preuve d’efficacité à la fin de l’année 2027. “Dès lors, nous serons en position de mener des études multicentriques pivotales en vue d’obtenir une AMM”, pronostique-t-il. Et de se concentrer sur l’extension du traitement sur d’autres maladies neurodégénératives présentant un déficit énergétique neuronal beaucoup plus répandues, comme la maladie de Parkinson.
Ceres-Brain à la recherche de 10 M€
Depuis sa création, Ceres-Brain Therapeutics a levé des fonds auprès de business angels et de family offices, tout en bénéficiant du soutien de Bpifrance avec des avances remboursables et des aides à l’innovation. “En tout, nous avons bénéficié de 5,7 M€ de financements en 5 ans”, assure Thomas Joudinaud, qui avec Henri Bénech chapeaute une équipe de 4 personnes et s’est entouré de consultants experts, dont Jean-Louis Pinquier, un ancien de chez Sanofi expert du développement clinique pour les médicaments du système nerveux central, Xavier Salançon, expert en développement et en réglementation CMC et Florence Bénech, experte en formulations innovantes après une carrière dans l’industrie cosmétique. Désormais, la biotech entend lever 10 M€ supplémentaires pour poursuivre son programme clinique concernant le DTC et la SLA, chacun représentant un marché de plus d’1 milliard d’euros.
Marine Rabreau
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