Sur l’axe risqué des maladies neurodégénératives, la biotech anglo-américaine Cerevance a bouclé récemment une extension de série B de 51 M$, portant le total à 116 M$ notamment auprès de GV (Google Ventures) et Takeda Ventures. Son PDG Craig Thompson revient sur son parcours industriel.
BiotechFinances : Quel est l’historique de Cerevance ?
Craig Thompson : Spin-off de Takeda Pharmaceutical à Cambridge (RU), nous exploitons la licence de la plateforme technologique de séquençage par tri des transcrits enrichis en noyaux (NETSseq) de l’Université Rockefeller. A l’origine, en 2016, notre équipe de recherche en neurosciences comptait 25 personnes sur le site de Takeda avec un laboratoire entièrement équipé. Progressivement, nous avons mis à l’échelle et industrialisé la plateforme NETSseq pour découvrir et valider de nouvelles cibles thérapeutiques pour les maladies du système nerveux central (SNC). Les résultats cliniques positifs obtenus avec CVN424, notre principal programme dans la maladie de Parkinson, ont permis de confirmer la solidité de notre technologie. Nous avons construit un pipeline solide avec de nouvelles cibles identifiées telles que la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson et la sclérose latérale amyotrophique. Début 2018, Cerevance a réalisé un tour A de 29 M$ suivi en 2020 d’une série B de 65 M$ renforcée avec 51 M$ supplémentaires auprès de huit de nos neuf investisseurs existants.

BiotechFinances : En quoi votre plateforme NETSseq est-elle unique ?
Craig Thompson : Nous avons une compréhension approfondie des caractéristiques moléculaires des types de cellules spécifiques du cerveau humain. Cela nous permet de développer des thérapies visant à traiter la vulnérabilité cellulaire sélective des maladies neurodégénératives, à réduire la neuroinflammation sans perturber le système immunitaire périphérique et à normaliser les circuits dysfonctionnels qui sont à l’origine de nombreux troubles moteurs et comportementaux. Nous appliquons notre technologie de profilage moléculaire, NETSseq, à des milliers d’échantillons de tissus cérébraux de donneurs pour identifier les gènes présents dans des populations cellulaires spécifiques ou dont le comportement est modifié par la maladie et le vieillissement. NETSseq nous donne également la possibilité de déterminer quels gènes ont une accessibilité à la chromatine spécifique à un type de cellule. Cela nous fournit de nouvelles informations sur les variantes génétiques précédemment associées à la maladie et une nouvelle validation génétique des cibles. L’exploration de nos données uniques à l’aide de l’apprentissage automatique (machine learning) et d’autres approches de big data nous aident à déconvoluer l’hétérogénéité des donneurs, les stades et la progression de la maladie pour les troubles neurodégénératifs complexes. Nous développons ensuite des molécules puissantes, spécifiques et pénétrant le cerveau pour moduler les produits protéiques des gènes qui sont apparus comme nos cibles thérapeutiques. Cela nous permet de corriger les circuits ou de protéger les types de cellules vulnérables tout en limitant les effets secondaires hors cible qui se produisent souvent lorsque des protéines largement exprimées sont ciblées. Grâce à cette approche, nous disposons d’un portefeuille précisément ciblé pour les maladies du système nerveux central.
BiotechFinances : Que signifie ce tour de table de série B pour l’entreprise ?
Craig Thompson : Les fonds seront utilisés pour soutenir nos prochains essais cliniques axés sur la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et la schizophrénie. Concernant Parkinson, le CVN424, un agoniste inverse du GPR6, non dopaminergique, oral, pénétrant dans le cerveau et premier de sa catégorie, a démontré son innocuité et son efficacité dans la réduction du temps d’arrêt en tant que traitement d’appoint à la lévodopa dans une étude de phase 2. Nous prévoyons de lancer une phase 2 pour évaluer ce candidat en tant que traitement en monothérapie chez des patients atteints de la maladie de Parkinson nouvellement diagnostiquée et non encore traités par la lévodopa au deuxième trimestre 2023. Dans la schizophrénie, le CVN766, un antagoniste du récepteur de l’orexine 1 avec une haute sélectivité par rapport au récepteur de l’orexine 2 (>1000 fois), a récemment démontré des données de phase 1 positives. Ce candidat a été bien toléré avec un excellent profil de sécurité et, contrairement à la plupart des antagonistes des récepteurs de l’orexine, n’a entraîné aucun signe de somnolence. Une étude de phase 2 évaluant le CVN766 comme traitement potentiel des symptômes négatifs et cognitifs de la schizophrénie est prévue pour le quatrième trimestre 2023. Enfin pour la SLA et la maladie d’Alzheimer, le CVN293, un bloqueur de KCNK13, a fait la preuve de son action consistant à atténuer la neuroinflammation associée à de nombreuses maladies neurodégénératives. Une étude de phase 1 est prévue pour le troisième trimestre 2023.
BiotechFinances : Gates Frontier, Dementia Discovery Fund, Foresite Capital, GV (Google Ventures), Lightstone Ventures, Takeda Ventures, UPMC Enterprises et Dolby Family Ventures, comment s’est construite la relation dans le temps avec ces investisseurs ?
Craig Thompson : Ces investisseurs de classe mondiale sont fermement résolus à soutenir et à favoriser des approches nouvelles et innovantes pour le traitement des maladies neurologiques. Nos investisseurs ont des antécédents et une expertise diversifiée dans plusieurs domaines clés de notre entreprise, de notre plateforme propriétaire NETSseq à l’apprentissage automatique, en passant par les moyens d’aborder une nouvelle science pour cibler les maladies du SNC. Il s’agit d’un groupe de sociétés et d’institutions de premier plan qui a soutenu l’évolution de Cerevance, d’une start-up ayant une plateforme révolutionnaire à une biotech diversifiée.
Propos recueillis par Annelot Huijgen







