« En France, 70 % des patients inclus dans un essai clinique résident à plus de 2 heures d’un centre investigateur », rapporte le Leem dans son étude « essais cliniques 2030 ». Cela explique en partie les difficultés de recrutement dans les essais cliniques et plaide en faveur de leur décentralisation à court terme. Boosté par deux ans de pandémie COVID, le sujet se trouve aujourd’hui au cœur des préoccupations des promoteurs. Reste qu’amener l’essai clinique de l’hôpital vers le domicile du patient implique des changements majeurs dans l’administration du traitement et le recueil des données. Le personnel de recherche doit devenir mobile, ce qui induit une évolution des systèmes d’information avec une interopérabilité entre les différents acteurs. La règlementation doit suivre aussi en agréant des e-consentements, et un contrôle qualité de la donnée à distance. Selon le Leem, « la France travaille à cette digitalisation et est plutôt en avance sur l’Allemagne et l’Italie mais reste moins prompte que les Etats-Unis et le Royaume-Uni pour adopter ces innovations » (cf. graphe ci-dessous).
Le jumeau numérique
La révolution des essais cliniques ne s’arrête pas là. Leur optimisation est aussi à l’ordre du jour. Et à l’avenir, l’utilisation de jumeau numérique et d’essais in silico pourraient aider à mieux designer l’essai clinique. On devrait ainsi tester des molécules sur des organoïdes qui sont des modèles d’organes reconstitués afin d’identifier très en amont les sous-groupes de patients sur lesquels elles seraient susceptibles d’être le mieux tolérées et d’agir le plus efficacement. « Nous sommes encore très loin du jumeau numérique corps complet. Aujourd’hui, on tend plus vers des modélisations d’organes », indique Sarah Zohar de l’Inserm. L’objectif est une évolution des essais cliniques avec une présélection des patients mais pas la disparition de l’expérimentation humaine », reconnaît-elle. Par ailleurs, « ces organoïdes peuvent aussi servir pour les bras placebo difficiles à mettre en place dans un contexte de maladies rares », explique Rodolphe Thiebaut du CHU Bordeaux. Reste à savoir si l’on peut vraiment se fier à une comparaison entre un bras simulé et un bras traitement. Les agences réglementaires ne semblent pas réfractaires, en tout cas la FDA s’intéresse sérieusement au sujet.
Gagner des années de développement
Enfin, « pour certains développements spécifiques en cancérologie, en vaccinologie on pourrait gagner beaucoup de temps, 5-6 ans en supprimant des pans entiers d’essais cliniques », estime Rodolphe Thiebaut. Des étapes pourraient facilement sauter car les premières données permettraient d’établir l’intervention la plus efficace sur une population mieux ciblée. « Pas besoin dans ce cas de réévaluer le traitement avec un nouvel essai qui dure des années avant de passer à une phase 3 », ajoute-t-il. En outre, « la puissance de calculs du numérique permet d’établir des modèles pré-cliniques de plus en plus proches des pathways biologiques, des modèles d’organes, et en terme d’imageries on arrive aussi à mieux comprendre les choses afin d’être de plus en plus proche du réel. Du coup au moment où démarrent les essais sur l’homme, toutes ces connaissances acquises en amont vont nous permettre de mieux cibler et designer les programmes cliniques », observe Sarah Zohar. In fine, cette optimisation devrait permettre de mener beaucoup plus vite le médicament vers le patient.
* Source : « Essais cliniques 2030 : la révolution de la recherche clinique », atelier organisé par le Leem (les entreprises du médicament).
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