(BIOTECHFINANCES N°987 lundi 16 mai 2022) L’Institut Montaigne, think tank financé par des contributions privées, a publié ce début d’année une note établissant des chantiers dits « prioritaires » dans la santé avec, en ligne de mire, le prochain quinquennat. Échange avec Laure Millet, responsable du programme santé, sur la façon dont le think tank formule des recommandations… pour peser sur les pouvoirs publics.
BiotechFinances : Comment travaillez-vous pour définir vos axes stratégiques de réflexion ?
Laure Millet : Le programme santé est structuré pour rassembler au sein de groupes de travail des experts de profils et d’horizons très variés : entreprises du secteur privé, public, universitaires, chercheurs, professionnels de santé… Et aussi des start-ups qui nourrissent cet écosystème très dynamique. Nous essayons en permanence d’inclure de nouveaux acteurs. Les sujets sont choisis dans l’équipe (4 personnes) et testés avec des parties prenantes. C’est ce qui nous différencie d’un cabinet de conseil : personne ne nous missionne pour une étude et on recherche l’association des parties. Nous sommes très attentifs à ne pas nous limiter à la quinzaine d’entreprises du secteur de la santé adhérentes pour mener nos réflexions, rapports et notes. En 2021, nous avons réalisé trois publications, nous sommes l’un des programmes les plus dynamiques de l’Institut Montaigne, qui a un budget global de 7 M€.
BF : Par le passé certaines de vos recommandations ont-elles été suivies ?
Laure Millet : Notre impact est assez difficile à mesurer car nos dossiers sont librement accessibles en ligne, tout le monde peut s’en saisir sans nous citer. Après notre rapport sur la e-santé, il nous a très clairement été demandé – lors de plusieurs rendez-vous avec le Ministère de la santé, les conseillers santé de la Présidence de la République et de Matignon – d’aider à creuser le sujet de la structuration de la filière santé en France.
BF : Quels sujets identifiez-vous comme prioritaires et comment envisagez-vous d’y sensibiliser le futur gouvernement ?
Laure Millet : Nous avons porté l’éclairage sur 4 chantiers majeurs. Le premier concerne l’implication des patients dans le système de santé avec les indicateurs Patient-Reported Experience Measures et Patient-Reported Outcomes Measures qui consistent en l’envoi aux patients de questionnaires d’évaluation de la qualité des soins post prise en charge. Alors que l’on parle beaucoup de démocratie sanitaire, ces pratiques font sens mais ne sont pas vraiment dans les radars des pouvoirs publics. La prévention en matière de santé mentale et de bien-vieillir est importante. Et l’innovation, avec l’accès aux données et le déploiement de la e-santé, est aussi un facteur d’amélioration très dynamique. Nous attendons que les équipes gouvernementales se mettent en place pour prévoir des rencontres.
BF : Avec une baguette magique, quels changements opéreriez-vous ?
Laure Millet : Il y a deux phénomènes massifs extrêmement préoccupants : la crainte qu’ont les Français d’être moins bien soignés demain car l’hôpital apparaît à bout de souffle et la souffrance des soignants à l’hôpital. Deux choses seraient à améliorer : développer les indicateurs de qualité des soins, pour recréer des liens entre professionnels et patients et utiliser beaucoup plus massivement le numérique à l’hôpital pour optimiser le temps médical disponible et réallouer l’énergie des soignants vers les patients.
Un groupe de travail sur les acteurs locaux de santé
Mi-mai, un groupe de travail du programme santé de l’Institut Montaigne va réfléchir à « l’implication des acteurs locaux de santé (médecins, élus, acteurs de l’éducation, de la santé au travail…) dans la définition des parcours santé » indique Laure Millet responsable du programme santé. Elle précise : « C’est important de sortir la santé uniquement du périmètre du soin car être en bonne santé physique et mentale implique d’autres acteurs que les médecins. On rejoint cet enjeu de redonner du sens à la fonction en permettant aux professionnels de santé sur le terrain de faire remonter la prévalence de telle ou telle maladie et de se mobiliser sur des parcours de soin ou de la prévention. »


