Appelée au secours de la biotech spécialisée dans le traitement des maladies rares de l’œil, sa nouvelle CEO, Laurence Rodriguez, tente de la redresser par tous les moyens.
Alors que l’entreprise jouait sa survie – son horizon de trésorerie s’achevant fin avril – la nouvelle CEO de Gensight a gagné un nouveau sursis, début mai. Le spécialiste de la thérapie génique dans le traitement de la neuropathie héréditaire de Leber a ainsi annoncé, le 7 mai, une nouvelle augmentation de capital auprès de ses actionnaires historiques, dont Sofinnova partners, pour un montant brut total d’environ 9,2 M€. “Cette opération va assurer l’autonomie et la survie de l’entreprise pendant 3 ou 4 mois, soit jusqu’à la reprise de notre programme d’usage compassionnel au Q3 2024“, souffle Laurence Rodriguez, à l’issue de ce road show décisif.
Le 8 février dernier, la dirigeante avait déjà conclu un premier « bridge » de 5 M€ auprès de ses actionnaires historiques (Sofinnova Partners, Invus, UPMC Enterprises) et d’Heights Capital, afin de combler les graves difficultés de trésorerie subies par la biotech depuis le début de sa descente aux enfers, en avril dernier.
Pénurie de produit
À l’époque, Gensight semble pourtant sur une bonne dynamique après avoir annoncé la fabrication avec succès de ses deux premiers lots de Lumevoq, en septembre et novembre 2023. « Mais, alors que nous avions commencé à soigner une trentaine de patients sous ATU (autorisations temporaires d’utilisation) administrative, nous avons dû mettre fin à tous les traitements à cause d’une pénurie de produit causée par les fragilités de notre process de production », décrit Laurence Rodriguez.
Pire, en avril 2023, les autorités européennes demandent à la biotech de retirer la demande de mise sur le marché du Lumevoq, en raison d’une démonstration de son efficacité et d’une capacité de production insuffisantes. Embauchée en 2021 comme directrice de la filiale France en prévision de la commercialisation du Lumevoq, Laurence Rodriguez est alors licenciée lorsque cette perspective s’éloigne, en même temps qu’une trentaine de collaborateurs…
Reprise du programme d’usage compassionnel
Rappelée début 2024, cette dernière se bat depuis sur tous les fronts pour redresser Gensight (12 collaborateurs). « Je reste intimement convaincue que le Lumevoq représente un traitement efficace avec le potentiel de changer l’histoire de cette maladie brutale, très invalidante et sévère,” assure-t-elle. “Nous ne sommes plus très loin d’y parvenir, si nous suivons un plan d’exécution très strict. » La neuropathie héréditaire de Leber touche ainsi entre 800 et 1100 nouveaux patients chaque année en Europe et en Amérique du Nord, pour un coût de traitement, en France, estimé autour de 700 000 euros par malade.
Outre un répit financier en cours de discussion, Laurence Rodriguez prépare la reprise du programme d’usage compassionnel (équivalent aux ATU) du Lumevoq d’ici cet été. « Nous avons déjà fortement réduit nos coûts salariaux et de fonctionnement, reprend l’ancienne responsable du portefeuille maladies rares et hématologiques de Sanofi en France. Ce nouveau financement doit maintenant nous servir à faire le lien entre aujourd’hui et la perception des indemnités futures liées à ce programme au cours duquel nous prévoyons de soigner entre 30 et 35 patients pendant un an. »
Autorisation au Royaume-Uni
En parallèle, la dirigeante organise la nouvelle étude de phase 3 exigée par les autorités européennes. « Nous allons lancer cette étude comprenant un bras traité et un autre par placebo, concomitamment en Europe et aux USA. Nous prévoyons de traiter le premier patient au 2e semestre 2025 », pointe Laurence Rodriguez. Mais d’ici-là, d’autres marchés pourraient s’ouvrir. « Nous avons obtenu, fin 2023, une autorisation de soumettre notre dossier d’enregistrement au Royaume-Uni, en vue d’une autorisation de mise sur le marché en 2026 », ajoute-t-elle. Autant de perspectives suspendues aux progrès de rendement de l’outil de production de Gensight. Nous sommes en train de mixer nos deux lots réussis, fin 2023, afin d’obtenir plus de flacons en quantité suffisante et pouvoir traiter davantage de patients », tente de rassurer sa dirigeante.
Pierre Havez
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