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« IL FAUT CRÉER DES CLUSTERS TRANSFRONTALIERS ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE POUR FAIRE ÉMERGER DES GÉANTS EUROPÉENS »

Le Centre de Politique européenne prône la création de grands clusters régionaux, voire supra-nationaux, afin de rattraper le retard européen par rapport aux Etats-Unis et à la Chine en matière d’innovation et de développement dans les biotechnologies. Victor Warhem, économiste et représentant en France du think tank libéral franco-allemand du Centre de Politique Européenne (CEP) nous détaille les conclusions de cette étude.

BiotechFinances : Le retard de l’Europe sur la Chine et les US dans le domaine des biotechnologies est-il rattrapable ?

 Victor Warhem : N’exagérons pas, l’industrie des biotechs en Europe se retrouve, certes, derrière les Etats-Unis, mais elle est encore devant la Chine quand on regarde les niveaux d’emploi ou des brevets. Dans ce domaine, les US représentent par exemple 39 % du nombre de brevets déposés dans les biotechs, devant l’UE (18%) et la Chine (10%).

L’Europe n’est donc pas encore à la traîne. Mais en revanche, la tendance ne lui est pas favorable, surtout par rapport à la Chine, où l’on constate une explosion récente, avec plus de 4 000 startups créées dans la pharma entre 2016 et 2020, soit davantage qu’aux Etats-Unis et qu’en Europe.

BiotechFinances : Comment en est-on arrivé à ce décalage ?

 Victor Warhem : En Europe et en France, c’est le manque d’investissement depuis une quinzaine d’années qui a conduit à cette situation. Ce défaut de financement a entraîné le départ de nombreux chercheurs et talents hors de l’UE et réduit l’innovation en R&D. A cela, s’ajoute un cadre législatif, en termes de brevets, plus incitatif aux Etats-Unis, grâce au « repurpusing », qui facilite le repositionnement d’un médicament, et une meilleure durée de protection des fabricants US par rapport aux Européens. Tout cela désavantage nos startups et limite leur développement.

En l’absence d’un véritable marché unique du médicament en Europe, nous ne parviendrons pas à rattraper nos concurrents. C’est sur cela que les institutions doivent travailler. La commission européenne vient de publier de nouvelles propositions pour donner un coup d’accélérateur au secteur des biotechs au niveau règlementaire, en créant un « biotech hub » permettant de simplifier l’accès à la législation européenne, souvent trop complexe, et de commercialiser ainsi plus facilement ses produits sur tel ou tel marché. C’est un bon début, mais il manque des initiatives complémentaires en matière de financement, de structures, ou de coopérations entre les universités, pour muscler le secteur européen.

BiotechFinances : En quoi, la création de grands clusters régionaux permettrait d’accélérer l’innovation en France, où des dizaines de pôles de compétitivité existent déjà ?

 Victor Warhem : Si l’on veut maintenir notre souveraineté européenne en termes de médicaments, par exemple, alors il faut pouvoir faire émerger de nouveaux géants dans le secteur des biotechs. Or, notre politique actuelle fait coexister plus de 65 pôles de compétitivité régionaux en France ! Ce surnombre pose un problème de dimensionnement : en répartissant la manne publique et les moyens de l’innovation, on ne permet pas l’émergence de ces futurs champions dont nous avons besoin.

Au contraire, nous proposons donc de concentrer ces ressources dans quelques régions françaises déjà très dynamiques, comme l’Ile-de-France, la région Auvergne-Rhône-Alpes ou l’Alsace – pour sa proximité avec la Suisse et l’Allemagne -, afin de donner le plus de moyens possibles aux candidats les plus talentueux. C’est en finançant ainsi plusieurs entreprises à succès que l’on attisera l’intérêt des investisseurs et que l’on créera de nouvelles opportunités pour le secteur, à un horizon de 5 à 10 ans. Ce modèle spécialisé fonctionne déjà très bien à Fribourg, en Allemagne, qui est très en pointe dans l’innovation des biotechs.

BiotechFinances : Mais vous proposez d’aller encore plus loin…

 Victor Warhem : Ces clusters régionaux permettraient déjà de faire émerger des champions nationaux. Mais, si l’on veut faciliter l’interpénétration des marchés, la commercialisation, et les échanges de bonnes pratiques sur le marché européen, alors, il faut créer de nouvelles structures transfrontalières entre la France et l’Allemagne, par exemple.

Ces solutions seraient en outre bénéfiques aux deux pays, dont les deux industries représentent au moins 60 % de l’innovation du secteur des biotechs en Europe, mais souffrent des mêmes maux : culture du risque insuffisante, taille de marché trop réduite, défaut de financement, etc.

Aujourd’hui, nos systèmes d’innovation demeurent très nationaux, cela nécessitera donc une phase d’acclimatation entre les acteurs. Mais c’est en leur donnant une dimension binationale, voire européenne grâce à ces gigas-clusters, que l’on se dirigera vers le modèle d’une Silicon Valley européenne.

BiotechFinances : Cela ne résout pas totalement la question du manque de financement ?

 Victor Warhem : Non c’est vrai. Notre rapport montre que pour favoriser l’écosystème des biotechs, il faut non seulement retenir les talents pour créer un vivier d’entrepreneurs et de chercheurs, mais aussi intéresser des business angels, aujourd’hui peu portés sur le passage à l’échelle de ces technologies, à cause du risque et de la durée de développement des biotechs.

Aux Etats-Unis, par exemple, les universités et de nombreux programmes publics de l’innovation jouent ce rôle de financement dès le stade de la recherche, et jusqu’à l’intervention des fonds de capital risque. Alors qu’au contraire, en Europe, ces financeurs sont absents, ce qui pousse les biotechs à se financer largement en s’appuyant sur les géants de la pharma comme Roche, Novartis ou Sanofi. Ces modes de financement se font notamment au détriment d’acteurs périphériques, souvent plus innovants, qui n’ont pas leur chance en Europe.

C’est pourquoi, il faut, là encore, concentrer les financements publics sur la phase de scaling, afin de faire apparaître des fonds de capital-risque spécialisés, par effet d’entraînement entre le public et le privé.

BiotechFinances : Les investisseurs sont aussi refroidis par la différence de taille entre les deux marchés !

 Victor Warhem : Bien sûr. Avec près de 1,8 milliard d’euros de fonds levés en 2023, la France demeure le 2e pays européen, derrière le Royaume-Uni en montants levés en capital risque et en nombre d’opérations, selon France Biotech. Mais ces montants restent très en-deçà de ceux que l’on observe aux Etats-Unis, ce qui est normal pour une économie de 70 millions d’habitants par rapport à une autre de 350 millions.

Mais au-delà de la différence de taille de marché, c’est encore une fois, un retard dans la capacité et la vitesse du passage à l’échelle industrielle, comme le confirme l’exemple du patron de Moderna, parti aux US pour réunir ces conditions et accélérer la production de son vaccin à ARN messager… Au-delà de la problématique du financement, cela implique de changer aussi notre culture du risque. Et à ce niveau, la France se démarque notamment de ses partenaires européens, grâce à des modes de financement plus agressifs et à une bonne promotion de l’entrepreneuriat dans le milieu de la recherche. Il faudra encore renforcer ce modèle pour passer encore plus facilement de la perspective académique à la création d’entreprises.

BiotechFinances : Les propositions de révision de la législation pharmaceutique de l’UE (le General Pharmaceutical Legislation) vers la création d’un marché unique des médicaments, vont-t-elles dans le bon sens ?

 Victor Warhem : Il semble compliqué d’harmoniser à la baisse la durée des brevets dans les différents pays européens. Mais si l’on veut un vrai marché unique du médicament, il faudra en passer par là. Mais il faudra le faire de façon intelligente et pas trop abrupte pour les entreprises. Avant cela, il y a déjà beaucoup à faire, afin de faciliter la commercialisation d’un pays à l’autre, ou harmoniser les règles, car les agences du médicament français et allemand ont encore des méthodologies d’évaluation différentes, par exemple.

BiotechFinances : Vous prônez de nouvelles politiques publiques fondées sur les « chaînes de valeur ». Qu’est-ce que cela veut dire concrètement pour le secteur des biotechs ?

 Victor Warhem : Les chaînes de valeur se composent de tous les acteurs d’un secteur depuis les fournisseurs jusqu’à la commercialisation. Notre approche vise à les inciter tous en même temps, grâce à une meilleure protection des entreprises, davantage de financements publics pour rassurer les investisseurs et le secteur de la recherche, favoriser l’entrepreneuriat, etc. Pour nous, par exemple, faire émerger un cluster transfrontalier, et créer un fonds franco-allemand porté par le public, mais aussi pourquoi pas par le privé, pour financer le passage à l’échelle, serait un geste fort en ce sens.

Propos recueillis par Pierre Havez

 Le Centre de Politique europÉenne

Le Centre de Politique Européenne est un think tank libéral, créé en 2005 en Allemagne, et financé par 200 entreprises de taille moyenne, issues du Mittelstand, dans le sud du pays. Membre du mouvement européen, cette institution indépendante regroupe une trentaine de permanents en Allemagne, deux en France, depuis 2019, et trois en Italie.

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