Nominé au prix Galien, le 26 octobre, à New-York, le Venture Center of Excellence (VcoE), le programme d’accélération européen des startups de la santé a réussi son pari, trois ans après sa création. Il entraîne dans son sillage 2 startups, également en lice pour ce prix prestigieux. Recette d’un succès.
Annoncé par le commissaire européen chargé du Marché Intérieur, Thierry Breton, lors du HealthTech Innovation Days de Paris, le 6 octobre 2020, le Venture Center of Excellence (VcoE) – fruit d’une collaboration entre l’Institut Européen d’Innovation et de Technologies en Santé (EIT Health) et le Fonds Européen d’Investissement (FEI) – devait bénéficier d’une contribution européenne de 150 M€ pour engranger un volume total d’investissement de 2 Mds€, afin de lutter contre la moindre disponibilité des capitaux, la fracturation du marché européen et les barrières à l’entrée auxquelles les entreprises innovantes de la santé font face, comparé à leurs concurrentes américaines. « La crise a accéléré la transformation numérique des soins de santé en Europe. Nous devons saisir cette opportunité, agir de manière stratégique. Il faut créer les conditions permettant aux start-ups, à l’industrie, aux systèmes de santé et aux patients de profiter pleinement du potentiel de la santé numérique en Europe », justifiait alors l’ancien ministre français de l’Economie.
Trois ans plus tard, les objectifs du programme d’accélération de l’EIT Health et du FEI sont en passe d’être dépassés. « Aujourd’hui, nos 14 fonds excèdent 2,3 milliards d’euros et un ou deux nouveaux pourront encore être sélectionnés d’ici la fin de l’année, » se félicite Isaac Middelmann, directeur de l’accélérateur de l’EIT Health. « Au total, si l’on prend en compte les participations en propre de nos co-investisseurs, l’effet de levier dans toutes nos start-ups accompagnées atteint même 3,5 Mds€. » Sur cette capacité totale plus de 650 M€ ont déjà été concrètement investis dans l’une des 95 jeunes pousses européennes triées sur le volet par le VcoE (1).
Des co-investissements publics-privés
Mais au-delà de ses volumes, ce programme se distingue surtout par une philosophie, à part, propre à sa nature public-privé. « Par rapport aux investisseurs purement privés, nous intervenons dans des domaines qui sont bien sûr importants pour les patients mais aussi stratégiques pour l’Europe, par exemple, en favorisant la fabrication sur le continent européen de certaines technologies comme dans le domaine des vaccins », précise Isaac Middelmann. Et pour accélérer l’investissement de fonds non dilutifs, en compléments de ses partenaires privés et industriels de la santé, le VcoE peut ainsi s’appuyer sur une étroite collaboration avec d’autres structures européennes, comme la BCE ou la Banque Européenne d’Investissements (BEI). « Il a été démontré que les co-investissements entre industriels et investisseurs qu’ils soient publics ou privés, accroissent la capacité de la startup à réussir. Il est donc primordial de favoriser ce type de syndications pour faire réussir l’innovation en santé en Europe », met en avant Hélène Mathieu, Access to Finance au sein du programme VcoE chez EIT Health.
Des dossiers « dérisqués »
Le VcoE entoure également ses protégés d’un réseau opérationnel, composé d’une dizaine de collaborateurs dédiés au programme, mais aussi des ressources d’EIT Health partout en Europe (170 personnes) ainsi que plus de 200 experts ou consultants extérieurs. « Les startups ont la nécessité de lever de l’argent, mais, pour se développer rapidement dans un secteur aussi concurrentiel, elles ont aussi besoin d’être entourées d’un réseau pour les accompagner dans leur processus d’industrialisation, leur veille technologique ou concurrentielle, le recrutement de leur board, leur environnement règlementaire, ou encore pour les aider à conclure des accords de commercialisation avec les grands acteurs industriels, insiste Isaac Middelmann. C’est là que nous nous différencions des leveurs de fonds traditionnels ! Nos experts sont là pour apporter aux investisseurs des dossiers aussi ‘dérisqués’ qu’innovants. »
Deux premiers closings dans les prochaines semaines
Une méthode de sécurisation nécessaire dans le contexte actuellement troublé de l’investissement dans la santé. « Notre accompagnement peut durer presque un an en démarrant de l’analyse approfondie du dossier de la start-up jusqu’à l’élaboration d’une stratégie de levée de fonds et de l’equity story correspondante, » décompte Hélène Mathieu. « Mais une fois la startup prête à sortir, nous restons dépendants des fonds. Alors que les discussions avec eux prenaient traditionnellement entre 4 et 8 mois jusqu’au closing, elles ont aujourd’hui doublé voire triplé. »
In fine, la recette du VcoE est en train de faire ses preuves. Après une longue phase de sélection de ses partenaires et de ses pépites, la structure prépare déjà ses deux premiers closings dans les prochaines semaines. D’autres startups sont également en cours de levées, parmi lesquelles les françaises Brenus Pharma, CellProthera, EthikIA, InHeart, MT-Act, Netri, On/Off Therapeutics, PromTime, ou encore SpikImm. Un succès tel qu’un futur VcoE2 est déjà à l’étude. Celui-ci pourrait s’accentuer vers les domaines de la bio-production et de la santé digitale, et favoriser les investissements cross-sectoriels.
Pierre Havez
(1) Les 650 M€ déjà investis par l’intermédiaire du VcoE se répartissent dans 105 startups, dont 95 européennes. Issues de tous secteurs (59 biotechs, 21 medtechs et 25 digital health), elles disposent de financements adaptés à leurs niveaux d’avancement, soit 3 M€ en moyenne pour les 256 startups en amorçage, 31 M€ pour les 38 en série A, 61 M€ pour les 13 en série B, et 56 M€ pour celles en série C et au-delà.
Op2Lysis
Créée 2016 par Christophe Gaudin (président) et Jérôme Parcq (directeur général), Op2Lysis développe des médicaments dans la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC), avec un premier produit contre les formes hémorragiques, pour lesquelles il n’existe actuellement aucun traitement disponible. « Basé sur une technologie de rupture associant un nouvel agent thrombolytique, l’OptPA, notre solution permet d’éliminer de manière sûre et rapide l’hématome qui s’est formé dans le cerveau », décrit Christophe Gaudin. Une innovation majeure qui permet à Op2Lysis de figurer parmi les nominés du prix Galien, dans la catégorie startup.
Accompagnée depuis un an et demi par le VcoE, la startup française, composée de ses deux dirigeants et de quatre salariés répartis à Caen pour la recherche et Liège pour le développement, prévoit ainsi de croître très rapidement. « Jusqu’à présent, nous nous nous financions à travers des business angels en amorçage. Mais grâce à notre accompagnement au VcoE, nous prévoyons une levée de fonds de 27 M€, en série A, d’ici la fin de l’année, afin de financer nos essais cliniques de phase 1 et 2 en Europe et aux USA, en vue d’un enregistrement accéléré, précise le dirigeant. Analyse du dossier, organisation de rencontres privilégiées avec des investisseurs, écriture d’une equity-story attractive : tout ce travail préparatoire en amont nous a permis d’optimiser nos chances d’être convaincants auprès de chaque investisseur. En outre, la connaissance de leurs besoins et de leurs propres timings d’investissement nous a fait gagner énormément de temps. » Un gain précieux pour la startup, dont la solution vise un besoin médical non couvert représentant un marché de l’ordre d’un milliard de dollars pour l’AVC hémorragique, et au moins autant, par la suite, pour ses prochaines indications.
LinKinVax
Fondée notamment par André-Jacques Auberton-Hervé (CEO) en novembre 2020 à partir d’un spin off de l’Inserm, LinKinVax est une plateforme de développement de vaccin, employant 10 salariés à Paris ou au sein de l’hôpital Henri-Mondor. « Nous avons été créés pendant une période particulièrement difficile, en plein Covid !, rappelle Pascal Pincemin, le CFO de LinkinVax. En outre, notre technologie visant plusieurs indications, nos échanges avec le CvoE nous ont notamment rapidement permis de comprendre qu’il était préférable de se focaliser sur certains d’entre eux, plutôt que de mener 6 vaccins de front. »
Aujourd’hui, deux d’entre eux (VIH et les cancers liés au papillomavirus ou HPV) sont déjà entrés en phase d’essais cliniques. LinkinVax compte désormais accélérer. « Nous nous apprêtons à lancer un financement de série A compris entre 30 et 50 millions d’euros, dans les 6 prochains mois, afin de terminer les phase 2 des essais de nos vaccins contre le HIV, le Covid et ses futurs variants, puis d’ici deux ans, contre le HPV », annonce Pascal Pincemin.
La startup envisagera alors une sortie du programme. « Le VcoE joue le rôle de meta couche entre les jeunes pousses et le monde du financement : c’est à la fois un processus de qualification et de conseil car ils ne prennent pas un dossier s’ils ne sont pas capables de le vendre avec une garantie de sérieux et d’intérêt pour le monde financier, considère Pascal Pincemin, le CFO de LinKinVax. Même pour nous qui étions déjà plutôt bien structurés, cet accompagnement a été essentiel quant à l’analyse du marché, l’adéquation avec les besoins du monde financier, l’établissement de nos milestones et la professionnalisation de notre pitch. »







