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A l’heure où nous mettions en ligne notre dossier Mash Novo Nordisk a mis la main sur Akero Therapeutics (AKRO) pour un montant pouvant atteindre 5,2 Md $. L’opération comprend un upfront cash de 4,7 Md $ et un paiement complémentaire potentiel de 6 $ par action, portant la valeur totale de la transaction à 5,2 Md $ si l’efruxifermine (EFX) obtient l’approbation complète de la FDA dans la cirrhose compensée liée à la MASH avant juin 2031. EFX, agoniste FGF21 hebdomadaire, vise à devenir un traitement best-in-class de la stéatohépatite métabolique et sera intégré à la stratégie métabolique GLP-1 de Novo. Le programme de phase 3 SYNCHRONY (environ 3 500 patients) évalue EFX dans la MASH pré-cirrhotique et cirrhotique. Les données de phase 2 avaient montré des signaux de résolution de la MASH, de réversion de la fibrose et d’amélioration métabolique. La clôture de l’opération est attendue fin 2025, sous réserve du vote des actionnaires et d’autorisations réglementaires.
LES SECTEUR DE LA MASH EN ÉBULLITION
Les besoins dans la maladie du foie gras (MASH) sont cruciaux. Seuls deux médicaments ont, aujourd’hui, été autorisés dans l’indication de la MASH. Après le rachat en juillet par GSK d’une filiale de Boston Pharmaceuticals et son efimosfermin en phase III, c’est maintenant au tour de 89bio inventeur de la pégozafermine de tomber dans le giron de Roche et d’Akero Therapeutics dans celui de Novo Nordisk.
Conférence scientifique internationale dédiée aux maladies métaboliques du foie, la 11e édition du Paris Mash Meeting a réuni en septembre cette année plus de 400 experts français et internationaux. Elle était organisée par les professeurs Lawrence Serfaty et Arun Sanyal en partenariat avec l’Association Française pour l’Étude du Foie (AFEF) et la Société Francophone du Diabète (SFD). C’était l’occasion pour ces experts de communiquer les données les plus récentes sur la MASH (Metabolic dysfunction-associated steatohepatitis, ex-NASH).
La stéatose dysmétabolique ou « maladie du foie gras » toucherait 25 % de la population mondiale.
L’histoire naturelle de la MASH débute par une stéatose, accumulation de graisse dans les cellules du foie, le plus souvent d’origine métabolique. « Dans environ 20 % des cas, cette stéatose va évoluer vers une MASH qui associe à la stéatose de l’inflammation et de la fibrose, et qui est susceptible d’évoluer vers la cirrhose et/ou le carcinome hépatocellulaire, décrit le Pr Lawrence Serfaty, président du Paris Mash Meeting. Maladie silencieuse car asymptomatique, ce cancer touchant le foie est diagnostiqué tard. D’où son mauvais pronostic et l’importance du dépistage précoce de la MASH et de la fibrose, à l’aide de marqueurs sanguins ou d’examens radiologiques ainsi que du suivi tout au long de l’évolution de la maladie. »
La prévalence de la MASH et ses complications sont intimement liées à l’augmentation exponentielle de l’obésité et du syndrome métabolique dans le monde. En France, l’étude de la cohorte CONSTANCES montre que 8 millions d’adultes seraient touchés par la stéatose dysmétabolique et environ 200 000 auraient une maladie avancée. Selon certaines estimations, la prévalence du MASH aux États-Unis devrait augmenter de 63 % entre 2015 et 2030, passant de 16,5 millions à 27 millions de cas, et enregistrer des taux similaires dans toute l’Europe. Avec à la clé son lot de complications. Dans un article publié en août dernier, la commission du Lancet sur le carcinome hépatocellulaire estime que le cancer du foie pourrait presque doubler d’ici 2050, grimpant de 870 000 nouveaux cas en 2022 à plus de 1,5 million. Les besoins de traitements efficaces sont donc colossaux.
Deux nouveaux traitements de la MASH
Pour le président du Paris Mash Meeting, « les règles hygiéno-diététiques restent le traitement primaire de la MASH (régime avec moins de gras et de sucre, activité physique). Perdre 10 % de son poids s’avère très efficace, en réduisant les lésions fibro-inflammatoires dans le foie. Malheureusement, 95 % de nos patients ne parviennent pas à maigrir. D’où le recours à des traitements dont le nombre reste encore aujourd’hui très réduit. »
Deux molécules sont indiquées de part et d’autre de l’Atlantique pour le traitement de la MASH. Tout d’abord, Rezdiffra (resmetirom) de Madrigal a obtenu son AMM conditionnelle aux États-Unis et en Europe, mais il n’est pas encore disponible en France. Si l’EMA a toutefois posé des conditions à cette autorisation, c’est qu’elle estime que les bénéfices pour les patients découlant d’une mise à disposition immédiate l’emportent sur les risques inhérents à des données incomplètes.
Agoniste partiel du récepteur bêta des hormones thyroïdiennes, le resmetirom agit en favorisant la lipophagie et la bêta-oxydation des acides gras hépatiques afin de réduire la graisse hépatique, l’inflammation et la fibrose hépatique. Il améliore aussi le cholestérol. Il est plutôt indiqué pour les patients qui ne sont ni obèses ni diabétiques.
Autre molécule non remboursée encore dans l’Hexagone dans cette indication : Wegovy (semaglutide 2,4 mg), qui a obtenu son AMM pour la MASH aux États-Unis mi-août 2025. Cette molécule avait été initialement approuvée dans la prise en charge du diabète de type 2, puis de l’obésité ou du surpoids, ainsi que pour la réduction du risque d’événements cardiovasculaires tels que les infarctus du myocarde chez les personnes à haut risque. « Nous traitons nos patients souffrant de la MASH avec le semaglutide (Ozempic à une dose différente de Wegovy) car bon nombre d’entre eux sont également diabétiques (1 sur 2 environ), indique le professeur. L’effet bénéfique du semaglutide sur la MASH vient d’être démontré dans un essai thérapeutique de phase 3. »
Son mécanisme d’action est de retarder la vidange gastrique. Ce médicament agit en se fixant sur les récepteurs d’une hormone appelée glucagon-like peptide-1 (GLP-1), qui intervient dans le contrôle de la glycémie. Ce « coupe-faim » a un effet sur le pancréas en augmentant la sécrétion d’insuline et une action anti-inflammatoire sur le foie, et donc contre la MASH. Ces traitements récemment approuvés pour la MASH pourront aussi être administrés en combinaison entre eux et avec de nouvelles molécules. D’autres candidats sont actuellement en phase III, comme ceux de Lilly, d’Inventiva, de GSK, d’Akero Therapeutics ou encore de 89bio, biotech américaine sur laquelle Roche vient de lancer une offre d’achat. Sans compter tous les analogues du GLP-1 en cours de développement.
CHRISTINE COLMONT
TROIS ACTEURS DE LA MASH À LA LOUPE
INVENTIVA : CAP SUR LES ÉTATS-UNIS
Lanifibranor, de la biotech française Inventiva, s’est imposé comme l’un des candidats thérapeutiques les plus prometteurs actuellement en développement clinique de phase III dans la MASH. Cette petite molécule orale exerce une activité anti-fibrotique et anti-inflammatoire, ainsi qu’un effet métabolique bénéfique sur l’organisme, en activant chacune des trois isoformes des récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes (PPAR).
Inventiva prépare une potentielle commercialisation de lanifibranor aux États-Unis, l’un des principaux marchés pour la MASH, tout en poursuivant le renforcement de son empreinte mondiale. Pour soutenir cette phase, l’entreprise s’est dotée d’un nouveau directeur général le 1er octobre 2025. Transfuge de Genetix Biotherapeutics (ex-bluebird bio), Andrew Obenshain succède à Frédéric Cren, cofondateur de l’entreprise, et le remplacera également au sein du Conseil d’administration.
Cotée sur Euronext et au Nasdaq, la biotech disposait d’une trésorerie et équivalents de 122,1 M€, ainsi que de dépôts à court terme de 24,6 M€ au 30 juin 2025. Compte tenu de sa structure de coûts actuelle et de ses dépenses prévisionnelles, elle estime que sa trésorerie et ses équivalents de trésorerie (ainsi que ses dépôts à court terme, combinés au paiement d’étape de 10 M$ bruts reçu de CTTQ le 7 juillet 2025) devraient lui permettre de financer ses opérations jusqu’à la fin du troisième trimestre 2026. Elle envisage de lever des fonds supplémentaires pour atteindre ses objectifs à long terme via des offres au public, des placements privés ou encore en nouant des partenariats stratégiques.
AKERO THERAPEUTICS
Le candidat le plus avancé de la biotech californienne, l’efruxifermine (EFX), est actuellement évalué dans trois essais de phase III, aussi bien dans l’indication pré-cirrhotique (fibrose aux stades F2-F3) de la MASH que dans la cirrhose compensée (F4) due à cette pathologie. L’ambition d’Akero Therapeutics : faire de l’EFX un “best in class”.
Dans plusieurs essais de phase II, l’EFX a permis d’inverser la fibrose (y compris la cirrhose compensée), de résoudre la MASH, de réduire les marqueurs non invasifs de la fibrose et des lésions hépatiques, et d’améliorer la sensibilité à l’insuline et le profil des lipoprotéines. L’efruxifermine est un analogue bivalent du facteur de croissance fibroblastique 21 (FGF21 pour fibroblast growth factor 21) à longue durée d’action. Ce FGF21 est une hormone peptidique majoritairement synthétisée dans le foie, qui régule le métabolisme gluco-lipidique. L’EFX a été conçu pour réduire la graisse et l’inflammation hépatiques, renverser la fibrose, augmenter la sensibilité à l’insuline et améliorer les valeurs lipidiques. Il est administré par voie sous-cutanée.
Akero Therapeutics est cotée au Nasdaq. Mi-2025, sa trésorerie, ses équivalents de trésorerie et ses titres négociables à court et long terme s’élevaient à 1,086 Md$.
89BIO PASSE DANS LE GIRON DE ROCHE
Dans la même famille de molécules que l’efruxifermine, le principal candidat de 89bio, la pégozafermine, est aussi un analogue du FGF21 (fibroblast growth factor 21) avec un glycoPEGylé unique. Il est actuellement évalué en phase III dans la MASH avec fibrose avancée, incluant des patients atteints de cirrhose compensée et d’hypertriglycéridémie sévère (SHTG).
Le ciblage de cette FGF21, hormone métabolique qui régule la dépense énergétique et le métabolisme du glucose et des lipides, représente pour la société une option prometteuse pour les personnes atteintes de MASH et de SHTG. Ce potentiel n’a pas échappé au département Business Development de Roche. Le 18 septembre dernier, le laboratoire suisse a lancé une offre sur 89bio au prix de 14,50 $ par action à la clôture du marché, soit une prime d’environ 79 % par rapport au cours de la veille, et une prime de 52 % sur le cours moyen sur 60 jours de 89bio.
L’opération comprend également un CVR (certificat de valeur conditionnelle) non négociable, permettant de percevoir certains paiements d’étape pouvant atteindre 6 $ par action en numéraire. Le montant total de l’opération, qui s’achèvera le 29 octobre 2025, pourrait atteindre jusqu’à 3,5 Mds$.







