La mise au point d’une molécule et la production deviendront bientôt intimement intégrées et anticipées dès les prémices de la recherche, selon Thierry Hulot, le président de Merck France, également président du Leem. Pour cet ancien responsable de la production industrielle pharmaceutique et biologique du groupe allemand, la France porte l’ambition d’accélérer la fabrication des molécules biotechnologiques pour répondre aux besoins croissants des patients.
BiotechFinances : Pourquoi est-il si important d’investir dans la production biotechnologique en Europe ?

Thierry Hulot : Aujourd’hui, plus de la moitié des médicaments en développement est issue de la biotech tout comme la plupart des traitements hautement innovants. La production de ces molécules est complexe. Maîtriser cette fabrication représente un avantage compétitif indéniable. Cependant, le ticket d’entrée, qui se monte à plusieurs millions d’euros, est souvent trop élevé pour une biotech. C’est pourquoi Merck a construit un réseau de production européen, notamment en Suisse, en Italie et mais aussi à Martillac près de Bordeaux. Notre site français produit, à façon, des protéines pour le compte de petites biotechs. Notre investissement dans cette unité, annoncé en mars 2021, s’est monté à 54 M€, dont 60% avait été réalisé fin 2022. Le reste sera investi avant mi-2024. Ainsi, des start-ups dont nous ne pouvons pas dévoiler le nom ont pu faire produire leurs lots cliniques à Martillac pour réaliser leurs premiers essais, demeurer financièrement plus longtemps autonomes sans quitter l’Hexagone.
BiotechFinances : Quel est le rôle de France Biolead, dont fait partie Merck, dans l’indépendance sanitaire européenne ?
Thierry Hulot : La France joue un rôle clé dans l’écosystème biotech et porte l’ambition d’accélérer la fabrication des molécules biotechnologiques pour répondre aux besoins croissants de millions de patients. C’est pour cela que Merck a compté parmi les membres fondateurs de France Biolead. Avec le soutien de l’État, cette association pour la production de biomédicaments, créée l’hiver dernier, fédère au sein d’une même filière, tous les acteurs de la bioproduction française aussi bien les industriels (laboratoires, biotechs, CDMO, CRO, équipementiers, fournisseurs de solutions technologiques ou consommables) que les chercheurs académiques, les acteurs de la formation et les pôles de compétitivité, clusters, associations et syndicats professionnels. Son but : faire tomber les barrières pour structurer et piloter un catalyseur, filière unique de bioproduction française de biomédicaments, tout en comblant les briques manquantes. Il s’agit notamment d’améliorer la coopération du monde académique avec le privé, de former des ingénieurs aux besoins de la biotech de demain et de permettre aux start-ups de produire leurs molécules avec un bon rendement industriel et à un coût raisonnable. France Biolead aide également les start-ups dans le chemin réglementaire afin de leur éviter les écueils pour leur faire gagner un temps précieux. L’association leur fait intégrer tous les nombreux paramètres indispensables au développement et à la production dès la découverte d’un médicament.
BiotechFinances : Quelle est votre vision de la biotech en tant qu’acteur de la pharma ?
Thierry Hulot : Je vois déjà le secteur des biotech passer à l’étape suivante. Demain, la mise au point d’une molécule et la production seront intimement intégrées et anticipées dès les prémices de la recherche. Je vois aussi les collaborations entre public et privé, entre grands laboratoires et petites biotechs, devenir de plus en plus fluides. S’il est indispensable d’aller plus loin dans l’open innovation et de lever la suspicion entre le public et le privé, certaines barrières tombent petit à petit. Les autres entreprises sont à la fois des concurrentes et en même temps des alliées. Les deux sont tout à fait compatibles, ce qui était inconcevable il y a encore deux décennies.
Propos recueillis par Christine Colmont







