Pour ceux qui n’ont pas oublié leur âme d’enfant, évoquer « la tache noire » et pire encore la recevoir, c’était s’épouvanter avec Billy Bones, cingler avec Long John Silver et Jim Hawkins vers l’Ile au Trésor. Mais, il y a fort à penser que la collaboration stratégique qui vient de se nouer entre Sanofi et Blackstone, sera bien moins funeste et les conduira vers des rivages enchanteurs.
Blackstone Life Science (BXLS), le bras armé du gestionnaire de fonds US dans les sciences du vivant apporterait jusqu’à 300 M€ à Sanofi pour booster le développement du Sarclisa. Cet anticorps anti-CD38 (isatuximab) a été récemment enregistré à deux reprises auprès de la FDA : en 2020, l’association Sarclisa-pomalidomide-dexaméthasone (isa-pomdex) pour les patients ayant eu au moins deux échecs thérapeutiques et dont la maladie a progressé lors du dernier traitement. Puis en 2021, la FDA et l’EMA ont accordé une AMM au Sarclisa en combinaison avec la dexaméthasone et le carfilzomib (isa-kd) pour les patients atteints de myélome multiple en rechute ou réfractaire ayant reçu un à trois traitements antérieurs incluant le lénalidomide et un inhibiteur du protéasome. Une nouvelle pierre dans le jardin de Johnson & Johnson, pourvoyeur de l’autre anti-CD38, le Darzalex (daratumumab) qui est très souvent prescrit en association avec le lénalidomide et la dexaméthasone.
En effet, le Sarclisa de Sanofi qui intègre les deux schémas thérapeutiques clés, et ce dès la première rechute, se trouve bien positionné pour devenir l’anti-CD38 de référence dans le myélome multiple en rechute ou réfractaire. D’autant que le laboratoire français travaille actuellement à une formulation sous-cutanée qui lui permettrait de se rapprocher encore plus de Darzalex. C’est très probablement ce positionnement, cette quasi-absence de risque et les ambitions de Sanofi, qui pourraient avoir attiré BXLS. Peut-être faut-il y voir aussi la patte d’Olivier Brandicourt, ex-CEO de Sanofi devenu entretemps Senior Advisory pour Blackstone. Toutefois, comme nombre de fonds de private equity (PE), le géant américain vient avec ce deal, à nouveau, chasser sur le territoire des fonds de royalties, puisque l’un des éléments de rémunération du financement apporté sera un flux de commissions sur les ventes du Sarclisa. Un type d’opération que Blackstone avait déjà réalisé en 2020 avec Alnylam et l’Inclisiran pour près de 2 Mds$.
Si comme le cite Andrew Lo, Pablo Legoretta et Royalty Pharma ont inventé, il y a 25 ans, une nouvelle méthode de financement de la bioindustrie, aujourd’hui elle est adoptée par nombre d’acteurs du PE (Sagard Healthcare Royalty Partners, Orbimed…) qui utilisent les milliards levés pour investir dans des produits en phase finale ou distribués.