La biotech strasbourgeoise créée mi-2023 valorise un système de délivrance, une particule pseudo-virale (VLP) non infectieuse dérivée d’un virus de la vigne. Par modification à façon, elle est capable de cibler de manière très précise des cellules du système immunitaire pour lutter contre le cancer.
Serendip Innovations, c’est la concrétisation entrepreneuriale d’une découverte scientifique strasbourgeoise “ouvrant la voie au développement d’une nouvelle génération de vaccins thérapeutiques en oncologie, permettant de soigner les tumeurs et de prévenir d’éventuelles rechutes”, décrit Alexandre Hill, son CEO. “L’équipe scientifique a réussi à modifier à façon la structure de cette nanoparticule virale et à exploiter cette modularité pour concevoir un système d’immunisation pour la vaccination thérapeutique”. S’en est suivie une collaboration avec l’Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire qui a permis de valider in vivo ce système avec succès. Les premiers tests initiés en 2020, avec le soutien financier d’environ 300 k€ du laboratoire d’excellence Medalis de l’Université de Strasbourg (aujourd’hui l’Institut du Médicament de Strasbourg, IMS), sont ressortis “très concluants” en 2023. Ils ont démontré que la nanoparticule permet de ralentir la croissance de tumeurs chez la souris et d’augmenter leur survie de manière significative. Ce, “en une seule injection et avec une faible concentration de VLP”, affirme Alexandre Hill. Et, sur la base de cette preuve de concept, de projeter : “les perspectives liées à cette découverte sont infinies car elle signifie qu’en théorie, il est possible de confiner n’importe quels antigènes dérivés de tumeurs et de les combiner dans la nanoparticule, afin d’adapter sa composition à chaque cancer”.
“Un compromis entre efficacité et accessibilité économique”
C’est en juillet 2023 qu’Alexandre Hill a souhaité passer de la théorie à la pratique en co-fondant Serendip Innovations avec les biologistes Vianney Poignavent et Adrien Trolet, respectivement directeur scientifique et directeur technique, à l’origine de la technologie et de son procédé de bioproduction en système végétal. Incubée dans Quest for Health, la biotech entend s’attaquer à la conception de vaccins thérapeutiques en oncologie “nouvelle génération” capables non seulement “d’apporter des solutions aux nombreux échecs thérapeutiques des traitements actuels”, mais aussi “de pallier le manque d’efficacité” des solutions en cours de développement. D’un côté, les vaccins cellulaires “adressent une médecine de précision et personnalisée, ils sont complexes et longs à produire, ce qui les rend très onéreux et peu abordables à la majorité des patients dans le besoin”, note Alexandre Hill. Tandis que “les modalités génétiques de type ARNm et vecteurs viraux, dont le procédé de production nécessite plusieurs étapes complexes, rencontrent des défis techniques, notamment des risques d’instabilité au stockage, d’effets off-target ou encore de contrôle d’expression in vivo des peptides”, poursuit-il. Et d’affirmer : “avec notre technologie VLP et sa bioproduction végétale, nous proposons un compromis entre efficacité, sûreté, coût de traitement et temps d’attente pour le patient”, en produisant le composant principal du vaccin en une seule étape. Les plantes sont utilisées comme un bioréacteur naturel dépourvu de pathogènes humains, qui permettent de produire la VLP contenant les antigènes en une semaine. Il faut compter deux autres semaines pour la purification, la formulation et les analyses de contrôle qualité. “En somme, en 3 semaines, nous avons un vaccin prêt à être injecté, que nous pouvons produire au besoin, en adaptant le nombre de plantes”, abonde Alexandre Hill qui ajoute “Nous sommes en train de travailler avec des cliniciens pour définir comment ce vaccin peut s’intégrer à un protocole de soins”.
Deux levées de fonds Equity successives en 2024 (500 k€) et 2026 (3 m€)
Désormais, le but pour Serendip Innovations consiste à exploiter directement les deux brevets déjà déposés par le CNRS, et pour lesquels la biotech vient de “finaliser les accords de licence pour une exploitation exclusive, tout domaine et tout territoire couvert par les brevets”, expose Alexandre Hill, qui entrevoit déjà le potentiel applicatif de la future plateforme de Serendip pour co-développer d’autres produits innovants dans la vaccination thérapeutique et prophylactique, l’immunothérapie et les thérapies ciblées dans tout type de maladie.
En attendant, il s’agit de valider la plateforme technologique. “Nous visons une approbation d’entrée en phase I en 2028 voire 2027 si nous trouvons rapidement des partenaires financiers intéressés”, précise-t-il. A court terme, “nous sommes en train de consolider nos résultats in vivo, sur plusieurs modèles de cancer chez la souris avec notre solution, en vue de lancer notre première levée de fonds dans le courant du 2ème semestre 2024”, confie le CEO. Objectif : “ouvrir jusqu’à 500 k€ du capital pour compléter les aides publiques non dilutives et rassembler jusqu’à 1,4 m€ jusqu’à la prochaine levée de fonds Serie A. Ensuite, nos besoins en financement s’élèveront entre 5 et 6 m€ dès 2026 jusqu’aux premiers résultats de phase clinique”. D’ici là Serendip, qui vient de déposer un dossier pour le concours i-Lab, dispose d’une trésorerie suffisante jusqu’à la clôture de la levée de fonds d’amorçage avec 132 k€ de fonds propres, 130 k€ de prêt et 90 k€ de subvention publique. D’autres dossiers de financement, déposés au niveau régional, national et européen, sont en cours d’évaluation.
Marine Rabreau
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