(BIOTECHFINANCES N°990 Lundi 13 juin 2022)Regeneron vient de récupérer auprès de Sanofi, les droits mondiaux exclusifs d’exploitation du Libtayo, avec un accord, qui à première vue, semble recéler tous les éléments d’une bonne affaire. Mais pour qui ? Avec un peu plus d’un milliard de dollars mis sur la table : $900M de cash + $200M payées selon les étapes réglementaires, commerciales et surtout 11% de redevance sur les ventes mondiales, nous sommes face à un bel accord de biotechnologie. Mais ici, c’est la biotech qui rétribue la big pharma. Il semble légitime qu’en tant que diligents observateurs du secteur nous nous interrogions. Pourquoi Sanofi après une quinzaine d’années de partenariat souhaite-t-il divorcer aux torts partagés ? Lassitude ? Un autre accord ? Car, si le Libtayo a été le sixième anti-PD-1 à atteindre le marché, la FDA, en lui octroyant son feu vert en monothérapie pour le carcinome épidermoïde cutané (CSCC), lui offrait, non seulement une première dans l’indication, mais aussi un marché. Pour certains analystes, nous étions face à un potentiel blockbuster, dans la deuxième forme la plus courante de cancer de la peau (environ 20 % de tous les cas de cancer de la peau aux États-Unis), soit un marché de plus de 600 M$. Mais depuis, le Libtayo a creusé un sillon dermatologique avec un enregistrement en monothérapie pour le carcinome basocellulaire (BCC) avancé, puis un autre dans le cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC) avancé. Et grâce à cette « diversification », ce produit a donc de fortes chances d’entrer dans la cour des grands. Bien sûr, il n’est jamais simple d’arriver après les Merck, BMS, Roche, AstraZeneca et autres Pfizer-Merck KGaA, mais il semble, en fonction de ce qui se passe dans le domaine de l’immuno-oncologie (IO) que la position du Libtayo et à fortiori du couple Sanofi-Regeneron ne soit pas si mauvaise. En effet, derrière Keytruda et Opdivo, les places sont certes chères mais encore ouvertes, notamment quand on voit les stratégies de combinaisons multiples appliquées par la majorité des acteurs de l’IO. Faut-il voir dans ce divorce un effet de l’ambition du laboratoire français ? Il semble que la nouvelle stratégie « play to win » de Sanofi ne pouvait se satisfaire de dépendre ainsi de la machine à découverte de Regeneron. L’objectif du laboratoire français consiste à être plus que jamais dans le top 5 des laboratoires en oncologie avec des médicaments de première ou de meilleure classe. A fortiori, être le 6e PD-1/PD-L1…. Alors que les molécules développées conjointement (Praluent, Kevzara et surtout Dupixent) commencent à générer des bénéfices, les différences étant devenues irréconciliables, la séparation était la meilleure solution. Du côté de Regeneron, la crise sanitaire, qui a offert à la société américaine, une entrée dans le club des détenteurs de plus $ 7,1 milliards de trésorerie ($16,1 milliards de chiffre d’affaires en 2021), sont apparues des velléités d’indépendance (cf. rachat de Checkmate Pharmaceuticals pour $250 M).
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