(BIOTECHFINANCES N°986 Lundi 9 mai 2022) Pour qui suit les sciences du vivant sur les marchés, la surprise est constante. En effet, il existe une véritable décorrélation entre la manière de valoriser certaines de ces sociétés et leurs valeurs telles que perçues et acceptées par le marché. Comprenons-nous bien : il ne s’agit en aucun cas de stigmatiser tel ou tel, de délivrer des satisfécits ou des mauvais points, mais vraiment de comprendre comment un investisseur en sciences du vivant appréhende son investissement. Ainsi prenons l’exemple de deux sociétés dont nous tairons les noms. L’une, la société A, est riche d’un produit en phase II et en phase III dans des indications à l’incidence importante. Forte de plusieurs licences à travers le monde avec des laboratoires de taille moyenne et de paiements initiaux, elle est certes, toujours à la recherche d’un partenariat « majeur » avec un Big One, l’un de ces laboratoires du top 15. Et donc sa capitalisation tangente péniblement la centaine de millions d’euros. De l’autre côté, nous avons la société B, qui a développé une molécule particulièrement intéressante et qui multiplie les essais cliniques dans un spectre élargi d’indications avec des phases II et III, mais sans aucune relation avérée avec l’industrie pharmaceutique, pour l’instant. De plus, nous devons souligner des relations difficiles avec les autorités de régulation.
Une approche moins rationnelle qu’espérée
Malgré cette situation, le différentiel de valorisation entre ces sociétés est en faveur de la société B d’un facteur 5x. Une situation qui nous interpelle sur les éléments nécessaires pour ajuster une valorisation. En effet, traditionnellement, les éléments pris en compte sont la profondeur du pipeline, la capacité à nouer des accords avec l’industrie pharmaceutique, qui normalement valide le produit et la technologie, la qualité de la relation avec les agences réglementaires garantes du développement du ou des produits, le niveau de cash qui donne une mesure de la pérennité du projet. Voilà donc un certain nombre d’éléments non exhaustifs permettant d’appréhender la valeur d’un titre. Mais il semble bien que dans de nombreux cas, nous soyons dans une approche moins rationnelle qu’espérée, motivée par des sentiments ou des connivences (meilleure perception, niveau de conviction accrue, asymétrie d’information…) avec le projet. Ainsi, selon les métriques que nous venons d’évoquer, il y a fort à penser que la société A devrait voir sa valorisation au moins équivalente à celle de la société B. Comme toujours s’oppose à l’approche raisonnée, ce que nos amis anglo-saxons appellent le « Gut feeling ». Mais on peut difficilement subordonner les investissements sur un secteur donné au discours « je ne comprends pas ce qu’ils font, mais je sens que c’est bien ». Aujourd’hui, il est nécessaire de comprendre et de mieux appréhender les sciences du vivant.
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