(BiotechFinances n°975 lundi 14 février 2022) IBM a décidé de se débarrasser de Watson Health, une attitude bien surprenante, à l’heure où l’intelligence artificielle (IA) s’insinue partout en santé et même en Europe et en France (Sanofi et Exscientia, SeqOne Genomics). Pourquoi maintenant et surtout pourquoi à ce prix ?
En effet, les rumeurs courent et évoquent une somme proche du milliard de dollars. Alors qu’IBM aurait investi bien plus d’argent de l’ordre de $4 milliards pour construire Watson Health. Depuis 2015, les opérations se sont enchaînées (rachats, investissements) portant sur de la donnée médicale, de facturation, d’imagerie à propos de centaines de millions de patients. Au-delà de l’excellente affaire pour le fonds Francisco Partners, la question demeure : pourquoi ? Big Blue est-elle à ce point exsangue qu’elle ne puisse pas faire monter les enchères ?
Car à l’extérieur, la concurrence s’exacerbe et les GAFAM font monter la pression. On ne compte plus les deals dans le domaine de la santé et les milliards de dollars qui s’échangent (partenariat de Google avec Ascension, rachat de Nuance par Microsoft, Oracle s’offrant Cerner). Il y a fort à penser que l’un de ces nouveaux acteurs se serait intéressé à Watson.
Ou alors cette cession marque la réelle prise de pouvoir au sein d’IBM d’Arvind Krihna. Car, depuis 2020, date de son arrivée à la tête de la société, il militait pour une présence renforcée dans le Cloud. A la différence de Ginni Rometty, sa devancière à la tête d’IBM, Krishna ne considérait pas la santé comme ce fameux « Moon shot ». Watson Health ainsi que Deep Blue et autres Blue Gene, n’auraient été que des vitrines pour retrouver le lustre perdu. Pour d’autres, les résultats commerciaux de l’entité n’auraient pas été à la hauteur. La rentabilité de cette activité posait question car le déploiement peinait. Pour d’autres encore, les résultats scientifiques qui n’étaient pas toujours au rendez-vous auraient été la cause du désintérêt de Big Blue. Mais peut-être est-ce simplement dû à la lassitude, car IBM est présent dans le domaine de l’IA depuis les années 90. Ou pire un aveu de faiblesse devant l’accélération de la concurrence ?
Mais toutes ces questions n’obèrent pas l’interrogation principale : pourquoi céder à vil prix, ce que l’on a mis tant de temps et d’argent à construire ? Une blessure d’amour-propre, peut-être, qui verrait par un revers du destin, l’entreprise avec laquelle tout avait commencé venir la tête basse demander à ses adolescents de lui faire l’aumône. Situation intolérable partout ailleurs… sauf dans le monde des affaires où l’avidité se dispute avec le pragmatisme ? Pas si sûr. Car comment justifier que la potentielle plus-value que ne manquera pas de faire le fonds d’investissement Francisco Partners, qui certes s’est constitué un portefeuille dans le domaine, mais n’a apparemment aucune ambition industrielle, n’ira pas dans la poche des actionnaires d’IBM.
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